"Un peu après, par hasard, Aonamé regarda à la télévision le film Le Dernier Rivage, diffusé tard dans la nuit. Un film américain qui datait des années soixante. Une guerre totale avait éclaté entre l'Amérique et l'Union soviétique. Une énorme quantité de missiles atomiques volaient superbement entre les continents comme des des bancs de poissons volants. La planète allait être subitement anéantie, le genre humain allait disparaître presque partout. Seule l'Australie était épargnée par la retombée des cendres radioactives mortelles grâce ç une certaine direction du vent. Toutefois, ce n'était qu'une question de temps avant que les cendres atteignent aussi ce continent. La destruction du genre humain était inévitable. Complètement impuissants, les survivants attendaient sur ces terres la fin imminente. Chacun vivait les derniers jours de sa vie sur un mode différent. Tel était le sujet du film. Un film sombre et désespérant. (Malgré tout, en le visionnant, Aonamé eut de nouveau la certitude que tout un chacun, au fond de soi, attend l'arrivée de la fin du monde.) Ah... voilà donc ce qu'éprouvaient les hommes en recevant un grand coup de pied dans les testicules, songeait-elle, alors qu'elle regardait Le Dernier Rivage seule au milieu de la nuit."
Haruki Murakami, 1Q84, Livre 1, Belfond, traduction d'Hélène Morita
Décidément, ce roman est étonnant car non seulement semble-t-il prendre un malin plaisir à mêler les genres tout en distillant une délicieuse sensation de malaise à mesure que le récit progresse et que l'on commence à douter de tout comme son héroïne Aonamé. Mais quelle n'a pas été ma surprise de lire ce passage où il était question du film de Stanley Kramer dont j'ai déjà parlé ici (voir là, puis là, et encore là, et enfin là).
Mais ce n'était pas la première fois que je trouvais une référence directe à ce film que j'aime beaucoup car j'en avais déjà trouvé une trace conséquente dans Julian de Robert Charles Wilson paru chez Denoël dans la collection Lunes d'encre. Le héros démiurge retrouvait le dernier film conservé sur pellicules et réussissait à se le projeter même si la copie était muette. Et ce film était donc Le Dernier Rivage, comme une métaphore de cette Amérique d'après la Chute.
Comme quoi, hein, il n'y a pas de coïncidences...
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