"Get into bed Kimosabe."
C'est par cette formule banale (c'est ainsi que Tonto saluait The Lone Ranger) pour un père de famille américain s'adressant à son fils que l'on remarque le souci du détail du travail de Naomi Foner sur le scénario de RUNNIN ON EMPTY réalisé en 1988 par Sidney Lumet. C'est en effet en montrant combien, au mépris du sens commun, cette famille fugitive, qui va de ville en ville en changeant d'identité à chaque fois que le FBI retrouve leurs traces, parvient tout de même à garder sa cohésion et une apparence de normalité, que le film réussit son pari et nous embarque jusqu'aux larmes, jusqu'à cette fin ouverte qui nous laisse libre d'espérer ou non pour ces personnages. Naomi Foner, par ailleurs la mère de Maggie et de Jake Gyllenhaal, a écrit un récit poignant qui n'hésite pas à pousser les personnages dans leurs retranchements, pointant du doigt un certaine mouvance radicale et la manière dont le gouvernement n'a jamais abandonné leur traque. Mais au delà de l'arrière-plan politique, réel et juste, le film est avant tout un drame humain et à ce titre, je retiendrai plus particulièrement trois scène : la première est brève et c'est celle où Danny (River Phoenix) se fait passer pour un livreur de pizza pour parler à sa grand-mère à son insu. La seconde est l'aveu de Danny à Lorna (Martha Plimpton), dans la forêt car ses hésitations, ses tremblements, sont ceux de l'adolescence et sont d'autant plus crédibles que les deux comédiens vécurent une relation à la suite du film. La dernière (si on met à part la toute dernière) est celle de la rencontre entre Annie (Christine Lahti) et son père (Steven Hill), ne serait-ce que pour ce moment où son père comprend que sa fille l'a toujours aimé alors qu'elle s'éloigne déjà de lui à nouveau.
La réalisation de Sidney Lumet est si impeccable, si naturelle qu'on croirait presque prendre les personnages au dépourvu, comme par hasard alors que sa caméra est toujours bien en place et que son cadre n'oublie aucun détail ni personnages. Deux exemples bien significatifs : primo, la séquence des Fédéraux qui nous fait suivre Danny en vélo, remarquer avec lui des voitures suspectes, puis les semer pour récupérer son frère et enfin ses parents. Deux détails étonnent encore plus que l'incompréhension que l'on a des tenants et des aboutissants de la séquence : qu'y a-t-il dans cette mallette que transporte Danny et pourquoi fallait-il qu'ils abandonnent leur chien ? On comprendra ensuite que c'est un simulacre de clavier pour apprendre à jouer du piano qui appartenait à sa mère qui l'a offert à Danny qui a appris à jouer dessus. Quant au chien, il est là pour nous montrer combien, à chaque fois, ils doivent ne rien garder de leur précédente identité.
Secundo, il y a cette façon de placer ses personnages dans le cadre, pour qu'ils en occupent tout l'espace avec naturel, manière de montrer combien ils forment une famille unie, une "unité" quasi militaire, entraînée et efficace.
Enfin, il y a la distribution, étonnante de justesse et de maîtrise, qui ne surjoue jamais, même dans le cas de Jonas Abry, le cadet de Danny. J'ai bien spur voulu revoir ce film pour River Phoenix qui était rayonnant de jeunesse et pourtant déjà hyper précis dans son jeu, à l'instar de son personnage surdoué du piano ; mais je reste épaté par les performances de Judd Hirsch et, surtout, de Christine Lahti.
bonus : Fire and Rain interprété en concert par James Taylor ; c'est le morceau qu'on entend lors de l'anniversaire d'Annie...
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