La rentrée est toujours une période d'incertitude plus ou moins longue à digérer, surtout lorsqu'on a beaucoup de nouveaux élèves à appréhender. Je verrai demain ceux que je n'ai pas encore vus et leur nombre (trente) comme la fréquence avec laquelle je vais les voir (une, deux heures au plus par semaine) font que j'ai quelques difficultés à ne pas les envisager autrement que comme une céphalée de fin de semaine. En attendant, hier, j'ai pu tester en partie à quoi allaient ressembler les jeudis à venir et le constat n'est pas très encourageant.
Oh, certes, sur le plan humain, les collègues que je vais côtoyer sont tous amènes et de bonne compagnie et je n'ai pas à me plaindre de ce côté-là. Bien sûr, il y a cette longue plage de temps, entre midi et trois heures où, en attendant d'avoir des copies à corriger, je n'avais que des mots fléchés à faire cet après-midi là. Mais l'écueil qu'il va me falloir vite surmonter ou, en apprenant à mieux le connaitre, à éviter ou à circonvenir, c'est celui d'une de mes nouvelles classes de jeunes élèves de CAP.
Ils ont entre quinze et seize ans et, pour la plupart, regrettent d'être là car ils se rêvaient en apprentissage, appâtés par la perspective de quelques euros et de moins d'heures de cours, ne sachant pas que cela signifiait de passer plus difficilement leur examen et de se faire exploiter par des patrons n'ayant plus le temps ni l'envie de former des jeunes de leur âge et de leurs compétences. Beaucoup sont en difficulté, je le sens et le devine, et certains ont d'ores et déjà commencé à creuser leur trou, comme des poilus de 1917.
Cela donne, après trois jours de rentrée, des oublis de matériel et de livres, des refus de travail, des endormissements en classe, des commentaires insolents, des remarques inutiles et se voulant frondeuse alors qu'elles ne sont que pathétiques. Oh combien je les reconnais ces attitudes quasi involontaires, comme autant de gestes réflexes en réponse à des stimuli bien identifiés...
Et bien malgré moi, alors qu'en piètre forme en cette rentrée, je m'étais juré de ne pas trop élever d'entrée mon seuil de tolérance et mon niveau d'exigence, je m'observe en train de tomber dans les travers et les chausse-trappes habituelles, cherchant vainement dans leur regard une ironie absente faute de moyens intellectuels.
Non, juste des hormones, un raz-le-bol adolescent ordinaire, un manque d'envie sans relief, rien que de très banal et de très attendu. Alors, je lutte bien malgré moi, contre moi, et cet atavisme qui me pousse à shooter dans le bureau de l'élève qui croit normal de faire la sieste car il a oublié ses affaires et n'a pas envie de bosser. Je me dis que je devrais le laisser là, l'oublier momentanément et m'intéresser à ceux qui semblent vouloir un peu jouer le jeu ; mais non, voilà que j'essaie de jouer sur les deux tableaux, faisant grimper ma tension, et perler une goutte de sueur sur mon front puis ma joue.
Rien de nouveau, rien d'original, mais il faut aussi que je fasse attention pour pouvoir tenir jusqu'au moment où je pourrais, j'espère, relâcher la tension et me détendre enfin. Bientôt, j'espère.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire