"Notre jeunesse est mal élevée, elle se moque de l'autorité et n'a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d'aujourd'hui ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans une pièce, ils répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler. Ils sont touts simplement mauvais."
Ces mots qu'on attribue à Socrate dateraient du quatrième siècle avant JC et tendraient à asseoir l'idée que la situation n'est pas nouvelle et qu'au contraire, elle fait partie de notre patrimoine culturel – que dis-je, génétique. Alors il y a des jours, voire des moments dans une journée, ou encore certaines heures ou parties d'heure, où cette citation devient savoureuse et où l'enseignant que je suis en lêche le sel sur ses babines en considérant plus ou moins gravement le public qui lui fait alors face. Bon, je n'oublie jamais que j'ai choisi d'enseigner en lycée professionnel et que ce ne sont pas les plus fûtés qui viennent jusqu'à nous ; il y a d'ailleurs bien plus de jeunes en déshérence ne demandant qu'à mieux faire et apprendre que de couleuvres plus ou moins socialisées qui ne sont là que pour en découdre et se rêvent vipères ou pire encore. Je n'oublie pas mais parfois ça pèse, comme cet après-mid d'hier où j'ai senti l'attention m'échapper et où je n'ai pu que laisser s'envoler leurs mots en attendant une parade qui n'est pas venue.
Comment cela avait-il commencé ? Ah ! oui, enflûre. L'un d'eux traitant l'autre d'enflûre. Et ce alors qu'aucun n'est capable de définir, j'en suis sûr, le sens du mot. J'étais en train de corriger le texte d'un élève avec lui et de lui expliquer comment mieux faire et, sans lever la tête, reconnaissant la voix, j'ai lancé : "Enflûre toi-même !" adressé à l'élève responsable. Celui-ci s'est aussitôt empressé de souligner que ce n'était pas moi qui était visé (heureusement encore !) et c'est là que ça a dérapé.
– Bah ! de toute façon, enflûre c'est pas une insulte... c'est pas comme enfoiré.
– N'importe quoi, enfoiré c'est même pas un gros mot !
– Ah ouais, alors pourquoi t'aimes pas qu'on te le dise ?
– C'est comme bâtard non ?
– Bâtard ce n'est pas dans le dictionnaire alors !
– Si, ça y est... n'ai-je pu m'empêcher de dire.
– Ouais ça veut dire qui n'a pas de père...
– Non, ce n'est pas le sens, regarde dans le dictionnaire...
Et là ça a sonné, me coupant dans un grand élan de promotion de l'outil imaginé par un fils du pays (Pierre Larousse est né à trente bornes d'ici, à Toucy, dans l'Yonne). Je ne vous raconte pas ça pour enfoncer un énième clou ni à titre d'exemples édifiants comme ces collègues qui se vantent des perles de leurs élèves. Je me suis simplement rendu à nouveau compte, et peut-être aussi certains élèves (certains plus que d'autres et certains sans vouloir le reconnaître) de leurs limites dès lors qu'ils emploient des mots. Leur vocabulaire est si pauvre qu'ils ne connaissent même pas avec certitude le sens de ceux qu'ils emploient. Je n'oublie pas que c'es mon boulot mais il devient fatiguant quand ils ne font même pas l'effort de le comprendre, persuadés qu'ils sont que je ne leur suis d'aucun secours.
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