Dernier film écrit et réalisé par Jean-Pierre Melville en 1972, UN FLIC est son testament et la matrice qui a nourri le cinéma d'un John Woo.
"Les seuls sentiments que l'homme ait jamais été capable
d'inspirer au policier sont l'ambiguïté et la dérision…"
(François-Eugène Vidocq)
A partir d'un canevas simple (un braquage de banque et la traque des truands par un commissaire de police) Melville déploie tout son imaginaire cinématographique. Le film baigne dans une couleur bleue indécise, entre nuit et jour, entre ciel et mer, qui est là pour évoquer, je pense, la frontière floue, entre chien et loup, qui sépare les voyous des policiers. Après tout, les personnages principaux, Coleman (Delon) le flic et Simon (Crenna) se partagent bien la même maîtresse, Cathy (Deneuve) et le même goût du scotch ?
Les références à l'oeuvre de Melville et à celle de Delon sont aussi contenues dans un plan,fugace : lorsque Coleman quitte la chambre d'hôtel ("Il va y avoir du boulot") la caméra nous montre le mur où est accroché un téléphone et qui est rempli de noms et de numéros. On repère, fugacement, des noms de personnages joués par Delon dans d'autres films : Jef Costello (LE SAMOURAI, Melville, 1967) , celui de Siffredi (BORSALINO, Deray, 1970), R. Sartet (LE CLAN DES SICILIENS, Verneuil, 1969) ; mais aussi d'autres films de Melville : Robert "Bob" Montagné (BOB LE FLAMBEUR, 1956), Gustave Minda (LE DEUXIÈME SOUFFLE, 1966). Il y en a peut-être d'autres...
Deux images m'ont aussi renvoyé à l'oeuvre de John Woo : la scène où Coleman rentre dans la boîte et se met au piano pour jouer du jazz, évoque bien sûr celle dans HARD BOILED (A toute épreuve, Woo, 1992) où l'on voit Téquila (le personnage de de Chow Yun-Fat) jouer du jazz dans la boîte de son mentor joué par John Woo lui-même. Plus tard, on le voit chausser une paire de lunettes de soleil et on repense à THE KILLER (Woo, 1989).
Une référence moins évidente est le clin d'oeil (involontaire ?) à la série Thunderbirds (Gerry Anderson, 1965-1966) lorsque la caméra suit ce qui ne peut-être qu'une maquette de train électrique survolée par une maquette d'hélicoptère. Cela dit, on pourrait reprocher à Melville de s'être inspiré de l'attaque du train dans LE CERVEAU (Oury, 1969).
Au-delà des références, il y a les performances des acteurs : Deneuve, hiératique, Delon, sadique et méthodique et, surtout, Richard Crenna. Dix ans avant FIRST BLOOD, il incarne ici un truand stylé, aux faux airs de Richard Burton et nous rappelle, dans chacune de ses scènes, qu'il est un comédien hors pair. Il avait commencé sa carrière en 1950 à la télévision, puis il alterne avec le cinéma dans les années 60 (THE SAND PEEBLES en 1966), et 70 (BREAKEART PASS en 1975). Il aura tourné jusqu'en 2003 où il meurt à 76 ans.
La musique, discrète mais prégnante est signée Michel Colombier ; la chanson au générique est interprétée par Isabelle Aubret.
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