Hier matin, je me suis arrêté pour saluer un collègue qui faisait rentrer des élèves pour son prochain cours. L'un d'eux, prenant la mine contrite de circonstance (testée et approuvée par sa mère depuis qu'il est enfant) a laborieusement tenté d'expliquer pourquoi il n'avait pas pu, comme demandé, acheter le Canard enchaîné de mercredi. Mon collègue est aussitôt rentré dans une feinte colère justifiée (fruit d'années d'expérience sur le terrain qui mériteraient un livre) en s'emportant contre son incurie et celle de ses camarades (car un deuxième avait servi un argument similaire pendant ce temps). Je suis parti en riant sous cape.
Je me suis alors souvenu de la première fois où un de mes enseignants m'avait suggéré d'acheter le journal. J'étais en première, en 1983, et mon professeur d'Histoire, un cinéphile prosélyte gentiment démagogue, nous avait conseillé d'acquérir Libération afin de pouvoir y trouver le sésame à découper pour aller assister à une avant-première. Ma cinéphilie naissante et mon désir de complaire à cet enseignant apprécié me poussèrent donc à cet achat. Je me revois encore, hésitant, embarrassé comme si j'achetais de la pornographie, en train de payer l'objet du délit sans aucun regard quelconque du buraliste. J'allais donc ensuite voir LA BALLADE DE NARAYAMA de Shohei Immamura, un film âpre et beau, mortifiant et vivifiant à la fois, qui me marqua indélébilement. Le même soir, The Police passaient en concert à Toulouse, pour leur unique concert.
ps : pour le cours avec mes terminale bac pro, j'ai fait un peu de lecture, sans enjeu autre que de leur faire entendre un peu de littérature accessible. Je leur ai donc lu des extraits du Chagrin d'école de Daniel Pennac dans lequel il parle de son enfance de cancre, des cancres, des stratégies des parents, des enseignants et de celles des élèves. Je ne sais pas ce qu'ils en auront retenu, ni si l'un d'entre eux aura ou non ensuite envie de lire le livre ou un autre de Pennac. Mais ce matin, j'avais joué la carte de la lecture en leur distribuant aussi les fameux dix commandements du lecteur. En espérant les amener à les méditer. Qui sait ?
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